Clôture de la réunion annuelle de l'AIFM

Grands fonds marins : toujours pas de feu vert pour l’exploitation

Réunis en Jamaïque, les pays n’ont pas réussi à s’entendre sur les règles d’exploitation des grands fonds.

L’essentiel

La 30ᵉ session de l’Autorité internationale des fonds marins s’achève sans accord sur les règles minières : pas de feu vert à l’exploitation, des risques environnementaux majeurs persistants, et la pression s’accroît pour un moratoire mondial sur l’extraction en haute mer.

À Kingston, les États membres de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) se sont quittés sans accord. Organisée en deux temps (du 17 au 28 mars puis du 7 au 25 juillet 2025) la 30ᵉ session n’a pas permis d’adopter le code minier international attendu, destiné à encadrer l’exploitation des ressources minières dans les abysses. Un statu quo interprété comme un signal de prudence, face aux risques écologiques. 

Toujours pas de cadre pour l’exploitation minière en eaux profondes

Les négociations patinent depuis plusieurs années, et cette session n’a pas permis de débloquer les discussions. En cause : des désaccords persistants sur la protection de l’environnement, la répartition équitable des bénéfices, et les mécanismes de contrôle à mettre en place avant toute activité minière dans “la Zone” – ces vastes étendues situées au-delà des juridictions nationales, considérées comme patrimoine commun de l’humanité. 

L’industrie poussait pour un feu vert… sans l’obtenir 

The Metals Company, entreprise canadienne spécialisée dans les projets d’exploitation minière en eaux profondes, avait exprimé en mars dernier sa frustration face à l’absence de cadre clair. Dans un communiqué daté du 27 mars 2025, son PDG déclarait : 

« L’Autorité internationale des fonds marins a été créée pour adopter les règles facilitant l’exploitation minière des fonds marins, pas pour l’empêcher. » 

Comme d'autres acteurs industriels intéressés par les métaux rares des abysses, l’entreprise misait sur un accord rapide pour engager la phase d’exploitation. L’absence de code adopté à Kingston prolonge cette incertitude réglementaire. 

En revanche, la Deep Sea Conservation Coalition, une alliance internationale d’ONG environnementales, a salué ce résultat. Elle souligne les risques d’exploitation sans garanties suffisantes dans des zones encore largement inexplorées. Pour ses membres, ce statu quo constitue une marque de prudence et une opportunité de faire primer la science sur les intérêts économiques. 

Des avancées techniques, mais des fractures politiques 

Dans sa déclaration d’ouverture de la deuxième partie de la session, le 7 juillet 2025, la secrétaire générale Leticia Carvalho a rappelé que ces négociations restent cruciales pour poser les bases d’une gouvernance rigoureuse et fondée sur la science. 

Les discussions ont permis d’avancer sur plusieurs aspects techniques : comment autoriser les projets, comment garantir la transparence, et comment surveiller les impacts sur l’environnement. Ces points ont avancé, mais les désaccords restent nombreux sur les sujets les plus sensibles. 

Trois sujets divisent particulièrement les pays :  

  • La répartition des bénéfices que beaucoup de pays du Sud jugent injuste. Ils demandent un système plus équitable pour partager les profits issus des fonds marins ;
  • La responsabilité environnementale, encore trop vague selon certains États, faute de règles claires en cas de pollution ou de dégâts causés ;
  • La création de zones interdites, c’est-à-dire d’espaces interdits à l’exploitation, qui oppose les partisans d’une meilleure protection de la biodiversité à ceux qui défendent les intérêts économiques. 

La science appelle à la prudence 

Tandis que les discussions politiques restent bloquées, les scientifiques, de leur côté, apportent des recommandations précises pour prévenir les risques. 
Le projet européen DEEP-REST, piloté par l’Ifremer, a présenté dix recommandations scientifiques. Parmi elles : la création de zones interdites à l’exploitation, le renforcement de la recherche et du suivi écologique à long terme, la définition de seuils de perturbation irréversibles, ou encore l’implication des parties prenantes dans la gouvernance. Toutes visent à éviter des dégâts irréversibles dans des écosystèmes encore méconnus.  

Quelle suite ?

À défaut d’accord, les membres de l’AIFM ont annoncé vouloir poursuivre les négociations et mettre à jour la feuille de route. Une session extraordinaire pourrait être convoquée si un compromis se dessine. 

En attendant, aucun feu vert n’a été donné à l’exploitation commerciale dans la Zone. Ce maintien du statu quo est considéré par plusieurs États et ONG comme une victoire temporaire pour la protection de l’environnement, et un signe que le principe de précaution gagne du terrain. 

 

 

Photo : Au centre, Leticia Carvalho,secrétaire générale de l'AIFM. Crédit photo : International Seabed Authority (ISA) News/Flickr

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