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Exploitation minière des abysses : le monde à l’heure des choix décisifs
Entre intérêts économiques colossaux, impératifs de préservation et mobilisation citoyenne, l’avenir des grands fonds marins se joue en ce moment.
Du 7 au 25 juillet 2025, Kingston, la capitale de la Jamaïque, accueille un sommet international décisif : les représentants du monde entier doivent s’accorder sur le cadre qui régira l’exploitation minière dans « la Zone », les profondeurs océaniques abritant d’innombrables ressources stratégiques.
Cette réunion intervient après la 3e Conférence des Nations Unies sur l’océan (UNOC 3) récemment tenue à Nice, qui a rappelé l’urgence d’encadrer strictement toute extraction minérale dans les abysses. Pourtant, la rédaction d’un code minier international est toujours au point mort.
Dans ce contexte crucial, Nausicaá s’engage aux côtés du mouvement #DefendTheDeep pour défendre la préservation des grands fonds marins et sensibiliser le public à l’importance des décisions qui seront prises à Kingston.
Qu’est-ce que « la Zone » ?
La Zone regroupe l’ensemble des fonds marins situés au-delà des juridictions nationales, là où aucun pays n’exerce de droits exclusifs. Elle représente environ 50 % de la surface totale des océans.
- Statut juridique : Depuis 1982, la Zone est considérée comme un patrimoine commun de l’humanité (Convention des Nations Unies sur le droit de la mer).
- Gestion internationale : Son utilisation et son exploitation doivent être encadrées collectivement par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), afin de garantir la protection de ces milieux encore largement inexplorés et que les ressources — notamment le nickel, le cobalt, le manganèse, mais aussi d’autres métaux et minéraux stratégiques — soient partagées équitablement.
L’AIFM face à la complexité de la gestion des fonds marins
Créée en 1994, l’AIFM regroupe aujourd’hui 168 États membres chargés de fixer les règles de toute activité minière dans la Zone. Mais la diversité des intérêts économiques retarde l’adoption d’un cadre suffisamment strict pour protéger l’environnement marin.
La situation s’est complexifiée depuis l’activation de la fameuse « clause des deux ans ».
De quoi s’agit-il ? Prévue par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, cette disposition oblige l’AIFM à établir en deux ans un cadre réglementaire pour l’exploitation, dès lors qu’un État membre en fait la demande. En 2021, l’État de Nauru a déclenché cette clause pour soutenir un projet industriel privé : fin juillet 2023, le délai a expiré sans qu’aucun accord n’ait pu être trouvé. L’Autorité se retrouve donc contrainte d’examiner toute demande d’exploitation, même en l’absence de règles environnementales précises. Ce vide juridique fait craindre une ruée prématurée et incontrôlée vers les fonds marins, au risque de détériorer des écosystèmes inconnus.
Pressions, fractures internationales et appel à la prudence
Ce flou réglementaire profite à certains acteurs privés : la société canadienne The Metals Company, par exemple, a déjà annoncé vouloir passer outre l’absence de consensus international en appliquant des législations nationales. Par ailleurs, certains pays affichent clairement leur intention d’ouvrir la voie à l’exploitation des fonds marins, à l’image des États-Unis sous l’administration Trump, qui s’étaient montrés favorables au développement minier dans leurs propres eaux nationales. Cette posture contribue à fragiliser l’équilibre des discussions internationales.
« Les grands fonds ne doivent pas devenir le Far West. »
Dans ce contexte, la secrétaire générale de l’AIFM Leticia Carvalho, a relayé dans son discours d’ouverture le message du secrétaire général de l’ONU, António Guterres.
Un avertissement qui traduit l’inquiétude croissante face à la tentation d’une ruée désordonnée vers les ressources abyssales.
Un front international pour un moratoire
Face à cette incertitude, la demande d’un moratoire prend de l’ampleur. Trente-sept pays, dont la France, plaident à présent pour une pause, une suspension ou même une interdiction temporaire de l’exploitation minière dans la Zone. Ces dernières semaines, la Slovénie, la Lettonie, Chypre et les Îles Marshall se sont ajoutés à cette coalition, révélant une dynamique mondiale en faveur du principe de précaution.
Ce mouvement est porté par la crainte du manque de garanties environnementales et du faible niveau de connaissances scientifiques sur les écosystèmes abyssaux. Nombre d’États demandent de privilégier la préservation de la biodiversité avant toute ouverture à l’industrialisation de ces fonds marins uniques.
Prenez part au mouvement #DefendTheDeep !
Le 20 juillet, comme les équipes de Nausicaá, mobilisez-vous pour la préservation des grands fonds marins !
À l’initiative de la société civile et de nombreux réseaux d’ONG, rejoignez le temps fort du mouvement #DefendTheDeep pour appeler les gouvernements à protéger les écosystèmes marins profonds alors qu’a lieu la dernière semaine des négociations à Kingston.
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Prenez une photo de vous dans l’eau (océan, mer, lac, rivière…) avec un panneau sur lequel est inscrit #DefendTheDeep.
(Si vous n’êtes pas à proximité d’un point d’eau naturel, prenez simplement une photo de vous avec ce panneau) -
Postez votre photo sur Instagram le 20 juillet :
- Ajoutez le hashtag #DefendTheDeep à votre publication.
- Identifiez les responsables politiques pour les interpeller à l’occasion des négociations internationales.
- Taggez @deep_sea_conserve pour permettre le partage de votre photo.
Ce qui va se jouer dans les prochains jours
À Kingston, les États membres devront trancher plusieurs questions cruciales :
- Faut-il enfin adopter un cadre international solide et réellement protecteur pour réglementer l’extraction minière en haute mer ?
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D’autres pays suivront-ils la voie du moratoire déjà soutenu par 37 États ?
- Comment concilier développement économique, avancées scientifiques et préservation de la biodiversité des abysses ?
Les décisions — ou les absences de décision — prises dans les prochains jours pèseront durablement sur l’avenir des fonds marins, définissant l’équilibre entre exploitation industrielle et protection du patrimoine commun de l’humanité.