Année de la mer

UNOC 3 à Nice : Un réveil mondial pour l’océan, mais beaucoup reste à faire

La conférence UNOC 3 à Nice a marqué une mobilisation mondiale pour l’océan, mais l’action concrète et les financements restent insuffisants.

La troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3) s’est tenue à Nice en juin 2025, dans un contexte international tendu. Malgré les crises et les tensions, les pays du monde entier ont affiché une volonté forte de travailler ensemble pour préserver un océan sain, productif et durable. Cette conférence a confirmé le rôle central de l’UNOC comme lieu de rencontre et de coordination pour les politiques de protection des océans, en vue d’une première « COP de l’océan » prévue en 2026. 

Une mobilisation sans précédent pour l'Océan 

UNOC 3 a donné une visibilité exceptionnelle aux enjeux liés à l’océan, en réunissant non seulement les gouvernements, mais aussi des scientifiques, des ONG, des peuples autochtones, des jeunes et des entreprises. L’urgence d’agir a été largement rappelée, alors qu’il ne reste que cinq ans pour atteindre l’Objectif de Développement Durable 14 (ODD 14), qui vise à « conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines ». 

Rencontres avec la société civile

La société civile s’est fortement mobilisée lors de l’UNOC 3 à travers des initiatives variées et marquantes : la Marche Bleue a rassemblé de nombreux citoyens dans les rues de Nice pour défendre la protection de l’océan ; La Baleine, un espace immersif et ouvert au Palais des Expositions, a accueilli plus de 130 000 visiteurs venus participer à des centaines d’événements, d’ateliers, de débats et de performances artistiques autour des enjeux marins, offrant un lieu d’échange inédit entre le public, les ONG, les scientifiques et les artistes ; le Manifeste mondial des jeunes citoyens de l’océan, fruit du travail de jeunes venus des cinq continents, a également été présenté pour appeler à une gouvernance plus audacieuse et inclusive des océans, en plaçant la jeunesse au cœur des décisions pour l’avenir du monde marin. 

Des annonces fortes, mais peu de garanties

L’UNOC 3 a été l’occasion d’engagements ambitieux et de nombreuses annonces en faveur de la protection de l’océan, mais ces avancées s’accompagnent aussi de limites et d’interrogations quant à leur application concrète. 

  • Progrès du Traité BBNJ : la haute mer bientôt sous protection ? 

    Ce traité vise à protéger la haute mer, c’est-à-dire les parties de l’océan qui n’appartiennent à aucun pays. Pour qu’il entre en vigueur, il doit être ratifié par 60 États : à Nice, 19 nouveaux pays l’ont ratifié (pour un total de 51), et 18 autres l’ont signé (soit 134 signataires au total). L’entrée en vigueur est donc proche, mais il faudra encore créer des institutions solides, des outils efficaces pour surveiller les océans et trouver des financements suffisants une fois le seuil atteint. 

  • Pause sur l’exploitation minière des grands fonds : une volonté encore timide

    L’appel à une pause ou un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins – c’est-à-dire l’extraction de ressources minérales dans les profondeurs de l’océan, une activité controversée pour ses risques sur l'environnement – a pris de l’ampleur à Nice, avec 37 États désormais favorables à cette pause. Cependant, ce nombre reste bien inférieur à celui des soutiens obtenus sur d’autres sujets, et la déclaration politique finale de la conférence est restée prudente sur ce point. Cette question sera de nouveau centrale lors de la prochaine session de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) en juillet 2025, où la pression de la société civile et des scientifiques devrait s’intensifier pour obtenir des garanties plus fortes en faveur de la protection de l’océan. 

  • Objectif 30x30 : ambition affichée, réalité nuancée 

    De nombreux pays ont annoncé la création ou l’extension d’aires marines protégées (AMP), avec pour but de protéger 30 % des océans d’ici 2030. La Polynésie française a marqué les esprits en annonçant la plus grande AMP du monde, couvrant potentiellement toute sa zone économique exclusive. Mais la qualité réelle de ces protections est questionnée : dans certains cas, des activités nuisibles restent autorisées dans ces zones dites « protégées », et certaines annonces recouvrent en réalité des espaces déjà existants. 

  • Surpêche : un accord en attente  

    Les États ont été appelés à ratifier un accord international pour mettre fin aux subventions qui encouragent la surpêche. Il manque encore 9 ratifications pour que cet accord entre en vigueur. Beaucoup reste à faire pour garantir une pêche vraiment durable et transparente. 

  • Pollution plastique : une dernière chance à Genève 

    96 pays ont signé une déclaration commune (l’Appel de Nice) pour soutenir un futur traité mondial contre la pollution plastique. Ce traité sera discuté lors d’une dernière session de négociation décisive à Genève en août 2025. Cette ultime réunion sera la dernière chance pour les États de s’accorder sur un texte ambitieux et efficace, capable de mettre fin à la pollution plastique qui menace l’océan et la planète. 

Des outils prometteurs, à concrétiser 

Plusieurs initiatives ont été lancées pour mieux surveiller et protéger l’océan : 

  • Mission Neptune 

    Un nouveau programme international de recherche pour mieux comprendre et protéger l’océan. Son impact dépendra de la continuité des financements et de la coopération entre les pays. 

  • Baromètre Starfish 2030

    Pour la première fois, un bulletin annuel dresse un état de santé de l’océan et de ses menaces, afin d’aider les décideurs à suivre les progrès et à prendre de bonnes décisions. Ce baromètre, élaboré par une équipe internationale de scientifiques, sera publié chaque année le 8 juin, à l’occasion de la Journée mondiale de l’océan. Il permettra ainsi de mesurer, année après année, les avancées et les reculs de la protection de l’océan, en rendant ces données accessibles à tous. Mais ce nouvel outil ne sera utile que si les gouvernements s’en saisissent vraiment. 

  • Jumeau numérique de l’océan

    Un projet de modélisation numérique de l’océan pour mieux prévoir et gérer les risques, comme le changement climatique ou la pollution. Son efficacité dépendra de la volonté de partager les données entre pays et acteurs privés. 

  • Plateforme IPOS

    Une nouvelle plateforme internationale réunissant scientifiques et décideurs pour fournir des analyses et recommandations rapides sur les grands enjeux océaniques. Un premier rapport sur l’exploitation des fonds marins a déjà été publié, accompagnant un premier appel à un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins. Mais cet appel reste peu suivi et la déclaration politique finale manque d’ambition sur ce sujet. 

Manque de financements et d’inclusion 

  • Financement 

    Les promesses de financement (8,7 milliards d’euros) restent très inférieures aux besoins réels, estimés à 175 milliards de dollars par an pour protéger efficacement l’océan. 

  • Participation de la société civile 

    Malgré les discours sur l’inclusion (« Leave no one behind », en français « Ne laisser personne de côté »), la participation des ONG, des peuples autochtones, des femmes, des jeunes et des pêcheurs artisanaux a été limitée : espaces éloignés, prises de parole annulées, accès difficile aux délégations étatiques. 

Une déclaration ambitieuse, à concrétiser 

L’aboutissement de l’UNOC 3 a pris la forme de la  Déclaration de Nice, un texte politique où les chefs d’État et de gouvernement réaffirment leur engagement à agir de façon urgente, ambitieuse et juste pour la protection de l’océan, en insistant sur l’inclusion de toutes les parties prenantes et la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de l’ODD 14. Cette déclaration rappelle que les actions ne vont pas assez vite ni assez loin pour répondre à l’urgence, et appelle à des mesures plus audacieuses, notamment pour lutter contre la pollution, la perte de biodiversité et le changement climatique. 

En complément, les Engagements de Nice pour l’Océanlistent les actions concrètes annoncées par les États, les institutions et la société civile durant la conférence. Ces engagements couvrent la protection de nouvelles aires marines, le financement de la recherche, la lutte contre la pollution plastique, la pêche durable, la résilience des littoraux et le soutien à l’innovation scientifique. Ils constituent une feuille de route collective, mais dont la réussite dépendra du suivi, du financement et de la volonté politique à transformer les promesses en actes.  
Le rendez-vous est pris : la concrétisation de ces engagements déterminera si ce sursaut mondial pour l’océan marque un tournant… ou une occasion manquée. 

 

Crédit photo : Licence © Tous droits réservés par UN Department of Economic and Social Affairs

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