Exploitation des fonds marins : annonce choc d’une entreprise canadienne

En l'absence d'un code minier international, The Metals Company (TMC) veut débuter l'extraction minière sous-marine avec le soutien des États-Unis.

Le 27 mars 2025, à la veille de la clôture de la réunion de printemps de l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM), un communiqué de presse a secoué la communauté internationale. The Metals Company, société canadienne spécialisée dans l'exploration et l’exploitation des grands fonds marins, a annoncé son intention de déposer une demande d’exploitation auprès de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) dès le second trimestre 2025.  

L’AIFM, la Zone, TMC : des enjeux sous pression

L’AIFM, organisation intergouvernementale en charge de définir le cadre juridique pour l’exploitation des ressources minérales de la "Zone" – les fonds marins et leur sous-sol, territoire maritime de la haute mer, en dehors de toute juridiction nationale – peine à finaliser son code minier. Ce dernier vise à encadrer les activités économiques dans les abysses, où des ressources convoitées, telles que les nodules polymétalliques, pourraient en être extraites.  

L’objectif de l’AIFM est de garantir que toutes les activités économiques menées dans les grands fonds marins, y compris l'exploitation minière, soient réglementées et gérées de manière responsable, en se basant sur des données scientifiques fiables. Mais l’adoption du code minier, prévue pour 2025, est loin d’être garantie. En effet, les débats sont si complexes qu’ils laissent encore des zones d’ombre, notamment en ce qui concerne les risques pour la biodiversité marine. 

Or, sans un cadre légal formalisé, aucun permis d’exploitation n’est envisageable, à moins de contourner l’AIFM en s’appuyant sur la législation américaine. C’est précisément ce que TMC envisage en se référant au code minier des États-Unis, dans l'espoir de réaliser ses ambitions tout en défiant l'organisation internationale. 

Une pression croissante sur la communauté internationale

L’annonce de TMC a suscité une vague d’indignation parmi les membres de l’AIFM, réunis du 17 au 28 mars 2025. Leticia Carvalho, la secrétaire générale de l’AIFM, a exprimé sa "profonde inquiétude", soulignant que toute initiative unilatérale en dehors du cadre de l’AIFM constitue une violation flagrante du droit international, menaçant ainsi la gouvernance multilatérale des ressources maritimes. 

Ce défi direct lancé par TMC pourrait paradoxalement accélérer la mise en place d’un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins. Le président français Emmanuel Macron a ainsi déclaré, lors de l’événement SOS Océan à Paris, le 31 mars : 

« Un moratoire sur l’exploitation des fonds marins, que nous ne connaissons pas suffisamment pour adopter un code minier, est une nécessité. » 

La ministre française de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, n’a pas tardé à réagir. Le 4 avril, sur son compte X (anciennement Twitter), elle a exprimé sa désapprobation : 

« L'entreprise The Metals Company a l'intention d'exploiter les grands fonds marins en dehors de tout cadre juridique : c’est de la piraterie environnementale, et c'est inacceptable. Nous ne devons pas les laisser faire. » 

Derrière cette annonce retentissante se cache aussi une réalité économique pour TMC : un besoin urgent de rassurer des investisseurs, alors que le secteur du deepsea mining traverse une période de turbulences. La société norvégienne Loke Marine Minerals, autre acteur majeur de l’industrie, a récemment déposé le bilan le 3 avril, une faillite symbolique de l'incertitude qui frappe ce marché à haut risque. 

Prochaines étapes : l' UNOC 3 avant le prochain sommet de l'AIFM

Alors que la prochaine session de négociations de l'AIFM aura lieu du 7 au 18 juillet 2025, le sujet de l'extraction minière des fonds marins occupera une place centrale lors de la 3ème conférence des Nations Unies pour l’Océan (UNOC 3), prévue à Nice du 9 au 13 juin. Ce sommet pourrait bien marquer un tournant décisif, avec l'engagement de nouveaux pays pour un moratoire sur l’exploitation des ressources sous-marines. 
 

Le jeu d’échecs juridique, politique et environnemental est lancé, et l’avenir des océans pourrait en dépendre. 

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