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Quand les voiliers de course tracent la route d’un tourisme plus vert
Une autre manière de prendre le large.
À l’origine du virage
Le 29 juin 2025, au large de Boulogne-sur-Mer, les IMOCA se sont élancés dans un silence étrange. Dans la brume, leurs voiles se devinent à peine, comme suspendues.
Ces voiliers taillés pour la course embarquent plus qu’un équipage : ils portent un nouveau cap.
Depuis 2024, chaque nouveau modèle doit réduire de 15 % ses émissions de CO₂ à la fabrication. Ce choix technique, imposé par la classe IMOCA, marque un tournant. Car au-delà de la compétition, ces bateaux dessinent peut-être une autre manière de prendre le large. Plus légère. Plus consciente.
Fabriquer autrement : une course en quête de sens
Sur les quais de Boulogne, l’équipe de Vulnerable salue les enfants venus découvrir les voiliers. Un moment d’échange qui contraste avec les mois passés en atelier.
Dans toutes les écuries qui ont lancé un nouveau bateau cette année, la question des matériaux s’est imposée. Chez TR Racing, l’écurie de l’IMOCA Vulnerable skippé par Thomas Ruyant, Amina Benslimane, ingénieure en alternance, a participé à cette réflexion.
À l’aide de MarineShift360, un outil d’analyse, elle a comparé des alternatives pour remplacer le carbone : des fibres végétales, des composites recyclés ou des matériaux moins énergivores.
« Les résultats ont clairement montré que la fibre de carbone génère bien plus de CO₂ que d’autres fibres comme le lin, le verre ou le basalte. »
Ces matériaux ne remplaceront pas la fibre de carbone partout, mais ils trouvent déjà leur place sur des pièces moins sollicitées. Et pour les écuries comme pour les chantiers de plaisance, c’est un premier pas concret vers une fabrication plus sobre.
Quand la plaisance s’inspire de la course
Basalte pour sa résistance, liège pour ses propriétés isolantes, PET recyclé pour les mousses, carbone reconditionné pour limiter les déchets… Une nouvelle génération de matériaux s’invite peu à peu dans la construction navale.
Loin des standards issus de la pétrochimie, ces alternatives bousculent les habitudes, et ouvrent la voie à une nouvelle génération de bateaux.
Parmi elles, le lin. Moins énergivore à produire, plus léger que la fibre de verre, il incarne une autre manière de concevoir les bateaux : plus sobre, plus locale, sans sacrifier la robustesse. Dans les Hauts-de-France, l’entreprise Safilin développe une filière dédiée à ces applications nautiques innovantes.
Comprendre l’impact pour mieux le réduire
Pour réduire l’impact d’un bateau, encore faut-il savoir le mesurer. C’est tout l’intérêt de MarineShift360, un outil développé à l’origine pour la course au large. Il permet d’évaluer l’empreinte environnementale d’un voilier à chaque étape de sa vie : extraction des matériaux, chantier naval, circuits de distribution, utilisation, jusqu’à la gestion des déchets.
De plus en plus d’acteurs du nautisme s’en emparent pour concevoir des bateaux plus sobres, et ce, dès les premières esquisses. Du chantier naval au recyclage, en passant par l’usage : MarineShift360 analyse le cycle de vie complet d’un bateau pour mieux en réduire l’impact environnemental.
Naviguer autrement : vers des bateaux plus sobres en énergie
Le vent met le bateau en mouvement. Mais à bord, il arrive que ce ne soit pas suffisant. Dès qu’une autre source d’énergie est nécessaire, la question de son impact se pose.
La course au large a expérimenté des solutions sobres, éprouvées dans les conditions les plus exigeantes : panneaux solaires, batteries, ou encore hydrogénérateurs — de petites turbines fixées à l’arrière du bateau, qui produisent de l’électricité en tournant dans l’eau pendant la navigation.
Longtemps réservés à la compétition, ces équipements gagnent aujourd’hui la plaisance. Et changent notre manière de prendre le large, discrètement, durablement.
Des bateaux pour demain, plus respectueux de l’environnement
Ces innovations ne racontent pas seulement des exploits de course. Elles ouvrent aussi la voie à une autre manière de naviguer : plus sobre, plus respectueuse de l’environnement.
C’est l’idée derrière WeExplore, le catamaran imaginé par le navigateur Roland Jourdain. Mis à l’eau en 2022, ce bateau n’est pas taillé pour la compétition. Il a été conçu pour montrer qu’on peut naviguer autrement : avec plus de 50 % de fibres naturelles, notamment du lin, dans sa structure. Mais ce n’est pas qu’un prototype. WeExplore navigue vraiment, participe à des expéditions scientifiques et sensibilise à l’impact de nos choix.
Et il n’est pas seul. Le voilier Beluga, imprimé en 3D à partir de plastique recyclé, ou la solution Joool développée par Alternatives Énergies pour les voiliers de croisière, explorent eux aussi des voies plus durables.
Petit à petit, une nouvelle génération de bateaux émerge. Et avec elle, un autre imaginaire du voyage.