Publié le 16 mai 2022
tribune ministère de la mer océan puits de carbone

© Pxhere

Vendredi 13 mai 2022, la Plateforme Océan & Climat (POC) a fait paraitre une tribune dans le journal Le Monde. Forte de plus de 100 signatures de représentants de la communauté maritime – dirigeants d’associations ou d’entreprises, scientifiques et marins, dont Nausicaá, membre fondateur de la POC, cette tribune plaide pour la formation d’un ministère de la Mer engagé dans la transition écologique et la protection de l’océan.

La tribune « Pour un ministère de la Mer à la hauteur de la transition écologique ! »

La renaissance du ministère de la Mer à la faveur du remaniement de juillet 2020 a été saluée unanimement par la communauté marine et maritime française. Elle avait alors suscité beaucoup d’espoirs : une meilleure association des acteurs marins et maritimes – dans toute leur diversité – à la prise de décision était attendue pour une meilleure prise en compte des spécificités océaniques dans l’élaboration des politiques publiques, notamment environnementales.

Outre la création du ministère de la Mer, ce quinquennat a été marqué par quelques moments forts pour le monde maritime et la protection de l’océan. On peut citer, par exemple, le programme prioritaire de recherche confié à l’IFREMER et au CNRS pour étudier les liens fondamentaux et réciproques entre l’océan et le climat ou les engagements du One Ocean Summit de Brest.

La tâche demeure immense et le travail doit maintenant s’accélérer. Pour répondre à la demande exprimée avec force pendant la campagne présidentielle de faire de l’écologie le fil rouge du quinquennat, comptant sur un premier ministre chargé de la planification écologique, nous proposons de placer le ministère de la mer au sein d’un grand ministère dédié à la transition écologique.

Un ministère dédié entièrement aux problématiques océaniques est essentiel pour gérer effica- cement les défis propres au monde de la mer, qu’il s’agisse de la protection des écosystèmes marins, de la transition énergétique des entreprises de transport et de services maritimes, ou de la pêche et de l’aquaculture durables. Ses spécificités ont trop longtemps été ignorées des décideurs politiques et de l’administration, étrangers à ce monde : s’en suivent logiquement des décisions inadaptées et des politiques inefficaces. Avec un ministère de la Mer, adoptant une approche écosystémique, intégrée et représentative de la diversité du monde et du territoire maritime français, une nouvelle ère est possible.

Rappelons l’urgence à laquelle l’océan fait face, et ces défis qu’identifient les chercheurs du GIEC ou de l’IPBES – Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité : que ce soient ceux du changement climatique tels que l’acidification, la désoxygénation et le réchauffement de l’eau, l’élévation du niveau de la mer, ou encore les pressions d’origines anthropiques que sont l’artificialisation, la surexploitation des ressources, les pollutions de tous types ou les espèces invasives… Autant de dangers qui érodent, à un rythme toujours plus rapide, l’extraordinaire et encore méconnue biodiversité de l’océan. Ils affectent gravement les  services écosystémiques que celui-ci fournit, en particulier sa capacité à réguler le climat. Or, nous le savons, il n’y aura pas de futur souhaitable sans un océan en bonne santé.

Ces changements institutionnels devraient immanquablement s’accompagner d’une nouvelle méthode de travail, qui trouverait ici sa concrétisation : davantage d’écoute, de dialogue et de pédagogie, afin de concilier les intérêts et réconcilier les Français. Une éthique d’engagement et de consensus que devra incarner le ou la prochain(e) ministre de la mer, pour embarquer chacun sur le seul chemin qui s’ouvre devant nous, celui de la transition écologique.

L’un de ces défis majeurs concernera les mécanismes d’association des parties prenantes à la décision. La rédaction des décrets reste, par exemple, trop opaque à l’inverse des travaux parlementaires, et le travail des différents comités consultatifs qui associent l’ensemble des parties prenantes dans une démarche consultative ou de démocratie participative doit être mieux valorisé. Changer de méthode, en s’appuyant sur l’expertise scientifique et en privilégiant l’horizontalité, garantirait la réussite des chantiers aussi sensibles que cruciaux pour la protection de l’océan, du climat et de la biodiversité, mais aussi pour le développement responsable et résilient des activités économiques maritimes.

Alors que la France doit rapidement progresser pour respecter ses engagements internationaux, notamment celui de l’Accord de Paris afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, le Rapport de l’IPBES de mai 2019, puis le troisième volume du GIEC d’avril 2022 nous rappellent l’urgence à agir. Ce nouveau quinquennat débutera au cœur d’une année charnière pour l’océan, notamment marquée, après le One Ocean Summit, par la Conférence de l’ONU pour l’océan, la négociation d’un traité pour la haute mer, par la COP15 de la Convention sur la diversité biologique, ou encore la COP27 de la Convention cadre de l’ONU sur les changements climatiques. Il incombera au ministère de la Mer de préparer au mieux ces rendez-vous internationaux, pour affirmer la position internationale de la France et son engagement sans faille à une réelle planification vers une économie résiliente et neutre en carbone à l’horizon 2050.

Ainsi l’indispensable portage politique de haut niveau des enjeux maritimes a besoin d’être renforcé pour accélérer les efforts engagés et apaiser des divisions parfois profondes. Il s’agit tant d’une opportunité que d’une responsabilité pour la France, deuxième territoire maritime au monde.

Retrouvez ici la tribune dans le journal Le Monde et la liste des signataires

ceci peut vous intéresser

PLONGEZ AU CŒUR DE L’EXPERIENCE NAUSICAÁ